La Bataille de Castillon (1453)

La Bataille de Castillon

(17 juillet 1453)


Peinture de la Bataille de Castillon par Larivière, montrant le moment où le cheval de Talbot tombe.
Ce tableau comporte des erreurs : le comte ne portait pas d'armure; son cheval était blanc.
(Ce tableau se trouve au château de Versailles, dans la galerie des Batailles).

TABLE DES MATIÈRES

Préliminaires Première phase Deuxième phase Plan de la bataille Résumé et Analyse


Préliminaires

La Stratégie :


Après la reconquête de la Normandie en 1450, Charles VII envoya en 1450 son lieutenant-général le comte de Dunois reconquérir la Guyenne avec une grande armée de Français. Les Anglais avaient compté sur le concours d'un grand nombre de Gascons, associés depuis longtemps au roi d'Angleterre pour la défense de leur région contre les attaques du roi de France. Les Anglais avaient déployé peu troupes dans la région, et les Gascons pro-Anglais (dont le nombre était en diminution, du fait que la fortune de la France était en train de changer dramatiquement dans le Nord) furent incapables de résister à l'assaut de l'armée royale. La Guyenne fut reconquise en un temps remarquablement court. Couronnée de succès, la campagne de reconquête se termina le 30 juin 1451 avec l'entrée des Français à Bordeaux, la capitale régionale.
Mécontents du nouveau régime français, en particulier en ce qui concerne les contraintes imposées au commerce lucratif avec l'Angleterre, les notables de Bordeaux, soucieux de commerce, envoyèrent une délégation à Londres, et convainquirent le roi d'Angleterre, Henry VI, d'envoyer une armée. Le fameux vétéran, John Talbot, alors âgé d'environ 75 ans, reçut mission de conduire une expédition de 3000 hommes, laquelle débarqua en Guyenne le 17 octobre 1452. Immédiatement les citoyens de Bordeaux ouvrirent les portes de la cité à Talbot, en chassant la garnison français, surprise par l'évènement. Beaucoup de villes de Guyenne suivirent aussitôt cet exemple, en réaffirmant leur loyauté envers l'Angleterre, et la reconquête de Charles VII de 1451 se défit.
Stratégiquement parlant les Français avaient été surpris. Ils avaient cru que l'expédition anglaise était destinée à la Normandie. Ce ne fut qu'au milieu de l'été de 1453 que Charles VII réunit une force d'invasion de la Guyenne. Trois armées français investirent la Guyenne occidentale, le Bordelais: une par le nord-est, une par l'est, et une par le sud-est. Charles VII suivait avec une armée de réserve.
Le fils de Talbot, Lord de Lisle, arriva à Bordeaux avec des troupes anglaises supplémentaires, ce qui porta le contingent anglais à près 6000 hommes. Comme d'habitude les Anglais comptaient augmenter leur armée grâce aux Gascons qui leur étaient loyaux, ce qui les mettait en position de réunir davantage d'hommes que n'importe quelle armée royale d'invasion. En conséquence les armées séparées du roi de France avancèrent prudemment.

Les opérations :

A la mi-juillet, l'armée française venant de l'est mit le siège devant la cite de Castillon, sur la Dordogne. Cette force avait plus d'un commandant. Dans l'ensemble le commandement officiel revenait au noble le plus ancien, Jean de Blois, comte de Périgord et vicomte de Limoges; par ailleurs it était Breton et comte de Penthièvre. D'autres chefs présents, dont les relations de la bataille aidèrent à reconstituer l'histoire, étaient Jean de Bueil et Jacques de Chabannes. Cependant le chef le plus significatif était le fameux <<ingénieur de siege>> (bien que le titre n'était pas encore en usage) Jean Bureau, accompagné de son frère, le <<maître de l'artillerie>> (ce titre existait alors, mais ne fut jamais attribué à Jean). Les chefs des nobles demeurèrent avec la cavalerie lourd pour la diriger, conformément à leur expertise particulière.
Une des caractéristiques les plus frappantes de cette bataille fut la configuration de camp de siège français. Les frères Bureau avaient participé à la campagne de 1451 et connaissaient la région. Ceci peut expliquer pourquoi, en temps très court, les 700 ouvriers français une fortification de campagne basée sur une tranchée utilisant un ancien lit asséché de la Lidoire, affluent de la Dordogne. Pendant longtemps le dessin irrégulier du périmètre du camp français a intrigué les historiens.
Une autre charactéristique remarquable du camp français était sa composition. Selon les comptes rendus it contenait 300 canons et bombardes, beaucoup plus que ce que l'on aurait pu attendre diune force mobile d'invasion. Bien que la répartition exacte de cet armement entre les pièces d'artillerie et les canons à main soit inconnue, il y a peu de doute qu'un nombre significatif d'armes était des canons à main, et qu'ils étaient probablement supervisés par le mercenaire gênois Guiribaut. Le camp français était essentiellement un parc d'artillerie. Il contenait au moins 6 000 hommes, et ce chiffre est quelquefois porté à 9 000. La cavalerie de 1 000 hommes d'armes bretons se tenait à 1,5 km au nord du camp, sur un monticule appele Horable.
On ignore si l'irregularité de la ligne de défense du camp français était entièrement due au hasard de la configuration du lit asséché, ou si elle fut recherchée et accrue pour optimiser le feu d'enfilade des canonniers contre les troupes attaquantes. La ville de Castillon était située hors de portée de l'artillerie, et aucun effort ne fut fait pour établir des lignes de siège plus de la ville, ou pour l'isoler. Il fait peu de doute que Bureau avait préparé le camp avant tout pour engager une force venant au secours de la ville. Un millier d'archers français, commandes par Joachim Rouault, avaient été placés en avant-poste dans le prieuré de St-Laurent, au nord de Castillon, en un point situé sur la route de toute force qui viendrait de Bordeaux.

Première phase

Bien qu'il eût préféré attendre que les forces françaises se rapprochent de Bordeaux, Talbot se laissa convaincre de voler au secours de Castillon. Avec sa fougue et sa hardiesse bien connues, Talbot quitta Bordeaux de bonne heure le 16 juillet. Il menait un contingent avancé de troupes montées, suivies par des éléments à pied et par l'artillerie. Ses forces comptaient au moins 6 000 hommes à Bordeaux, et grossirent certainement d'environ 3 000 hommes supplémentaires fournis par les contingents gascons le rejoignant au dernier moment. Après avoir atteint Libourne, sur la Dordogne, au coucher du soleil, la force montée de Talbot constitué d'environ 500 hommes d'armes et 800 archers continua à avancer au cours d'une marche de nuit passant par St-Emilion. A l'aube du 17 l'avant-garde de la force anglo-gasconne atteint les bois situés immédiatement au nord du prieuré de St-Laurent. Grâce à la soudaineté de son assaut, la force de Talbot surprit les archers français, en tuant certains d'entre eux et dispersant les autres, lesquels se replièrent vers le camp français principal.
A ls suite de cette marche forcée de presque 30 milles, Talbot accorda à ses troupes un repos bien mérité. Quelques Anglais poursuivirent les archers français en fuite jusqu'au camp français. Tandis que les hommes de Talbot se reposaient et se restauraient, tôt dans la matinée un messager venant de Castillon annonça que les Français étaient en retraite. On avait vu des chevaux et des charettes s'éloigner précipitamment du camp. Sa fiant à son instinct, Talbot prit immédiatement conscience de l'intérêt qu'il y avait à frapper les Français au moment où ils tenaient de se retirer. Bien qu'on le mît en garde contre trop de hâte, et qu'on lui conseilla d'attendre l'arrivée de la totalité de l'infanterie anglo-gasconne, Talbot décida d'attaquer sur-le-champ, avant que la proie lui échappe.

Deuxième phase

La force montée de Talbot passa la Lidoire à gué à 600 mètres à l'ouest du camp français. Les Anglo-Gascons n'avancèrent pas directement sur le camp français en venant de l'ouest, mais opérèrent un mouvement tournant pour attaquer par le sud le camp dans sa plus grande longueur. Tandis qu'il s'approchait des Français, il est possible que Talbot, un vétéran, ait réalise qu'il s'était gravement trompé sur la situation. Mais rien dans son expérience passé n'aurait pu permettre d'évaluer le grave danger que pouvait constituer le mur de feu d'un tir d'artillerie. Cette fois c'était le tour de Talbot d'être surpris. Les canonniers français l'attendaient à l'endroit même où il se trouvait maintenant.
Talbot ordonna à ses troupes de mettre pied à terre pour l'attaque, tandis qu'il resta à cheval sur son blanc poulain. L'assaut fut lancé aux cris de <<Talbot! Saint Georges!>>. Les Anglo-Gascons qui réussirent à suvivre au tir massif de l'artillerie peinèrent à franchir le fossé et à monter sur le parapet. On raconte que Thomas Evringham réussit à planter sa bannière au sommet du parapet, payant cette gloire de sa vie. Les canons français pilonnaient les attaquants avec un feu d'enfilade à bout portant, mettant plus de gens hors de combat qu'il n'en tuait. L'attaque en vint au corp-à-corps en plusieurs points. Les Anglo-Gascons, en infériorité numérique certaine, accrurent leur nombre par paquets, au fur et à mesure que troupes à pied arrivaient sur les lieux. Il a pu y avoir finalement près de 4 000 hommes de l'armée de Talbot sur le champ de bataille - un nombre encore insuffisant pour l'emporter dans l'assault de cette position de campagne preparée à l'avance. L'artillerie de Talbot ne put jamais arriver à temps. Aussi dur et enrageant que fût le feu de l'artillerie pour les Anglo-Gascons, il réussirent à continuer la lutte pendant environ une heure, jusqu'au milieu de la journée.
A ce moment la cavalerie bretonne apparut sur le flanc* des Anglo-Gascons. Les archers français s'élancèrent hors de l'enceinte du camp, derrière laquelle ils s'étaient abrités au début de la journée, et exploitèrent à fond leur avantage face à un ennemi qui était maintenant en déroute. Tandis que son armée battue cherchait refuge en passant à gué la Dordogne au pas de Rauzan, Talbot fut laissé coincée sous cheval qui avait été abattu par tir de canon. Un archer français, du nom de Michel Pérunin, inscrit son nom dans les annales de l'histoire en achevant le comte d'un coup de hache sur la tête. Le fils de Talbot fut aussi tué. Quelques Anglo-Gascons trouvèrent refuge à Castillon; d'autres furent poursuivis jusque dans les villes avoisinantes.

* La question se pose de savoir si la cavalerie bretonne contourna le côté est ou le côté ouest (comme il est montré sur la carte ci-dessous) du camp français. Les historiens anglais semblent suivre les indications de la carte de Burne dans Agincourt War (où l'on montre une approche par l'est). Les comptes rendus français font était d'une approche par l'ouest, conformément à l'étude de Henri Bardon, un historien régional. On ne connaît pas de carte contemporaine de l'évènement.

Résumé et Analyse

LES FORCES :
Du côté français: 4000 à 6000 hommes sous les ordres de Jean Bureau et 1 000 hommes sous les ordres de Jean de Penthièvre, soit en tout 5000 à 7000 hommes.
Du côté anglais: 2500 à 4000(?) hommes commandés par John Talbot.

LES PERTES :
Pour les Français: environ 100 hommes (estimation).
Pour les Anglais: environ 4000 hommes, la plupart capturés ou blessés.

La défaite de Talbot ne laissa en Guyenne aucune armée de campagne pour soutenir la cause anglaise. Les villes gasconnes se rendirent à l'approche de l'artillerie français. Lorsque Bordeaux se rendit de nouveau à Charles VII (10 octobre), ce fut la fin des opérations militaires de la Guerre de Cent Ans. Les Anglais étaient définitivement <<boutés hors de France>>: (selon le voeu de Jeanne d'Arc), où ils avaient perdu toutes leurs possessions, excepté la place forte de Calais, qu'ils conservèrent encore quelques dizaines d'années.
La bataille fut l'une des premières en Europe de l'Ouest où les canons furent sans nul doute l'élément décisif. Les seuls exemples précédents que l'on pourrait citer appartiennent aux guerres hussites (1420-1433), dont les batailles ressemblent beaucoup à celle de Castillon. Le tableau tactique d'une masse de munitions tirées à distance à partir de positions préparées à l'avance était en réalité un prolongement de la tactique anglaise basée sur les arcs longs (longbows). Cependant un niveau de compétence suffisant était nécessaire pour utiliser les armes nouvelles dans une position vulnérable de défense. Quelle connaissance avait Jean Bureau des tactiques de Jan Ziska, le chef hussite ? De toute évidence les amélorations apportées en Allemagne aux armes à poudre, spécialement aux petits canons, ont été rapidement assimilées par de Charles VII.
On pourrait conclure de la bataille précédente de Formigny (1450) que les canons de cette époque avaient une portée efficace supérieure à celle du <<longbow>>, de sorte que, correctement dirigés, ils devaient l'emporter dans une bataille de position. C'est pourquoi Talbot ne pouvait choisir de mener ce type de combat. A noter également la continuation du rôle de la cavalerie pour assurer une victoire décisive. Sans elle les vaincus auraient pu simplement se retirer; ils auraient été <<repoussés>>. Notons aussi que cette tactique, utilisant des tirs à distance, est essentiellement une tactique défensive, et qu'elle implique, pour être efficace, que l'adversaire lance l'assaut.


Photo aérienne du champ de bataille de Castillon aujourd'hui, prise en direction de l'ouest. La Dordogne est à gauche, Castillon-la Bataille en haut, une épaisse rangée d'arbres marque la Lidoire, juste à gauche de la route. On voit même une trace partielle des retranchements du camp français qui se révèle dans les limites de certains champs au centre de la photo. (Photo figurant dans La victoire de Castillon de J. Barthe.)

LE CHAMP DE BATAILLE AUJOURD'HUI

Talbot's monumentLe souvenir qu'a laissé la bataille dans beaucoup de comptes rendus français est caractérisé par le fait que le seul monument sur le site est dédié au chef anglais tombé au combat, Talbot. La statue existante est à l'endroit même où une chapelle, <<Notre-Dame de Talbot>>, avait été érigée par les Français peu après la bataille; elle fut appelée plus tard <<Tombe de Talbot>>, et fut détruite pendant la Révolution. Au cours des années, les restes de Talbot furent déplacés. D'abord l'ensemble des restes à l'exception du crâne fut ré-enterré à Falaise. Son crâne fut transporté en Angleterre, puis le reste de sa dépouille en 1493.
Pas de RauzanOn peut encore voir l'extrémité est de la longue île au milieu de la Dordogne. C'était le Pas de Rauzan, le gué à travers lequel les Anglais tentèrent de s'échapper. Le monument de Talbot se trouve à quelques mètres au nord-est de cet endroit, à l'écart de la route vers le nord, le long d'un petit chemin et derrière une ferme.

Version française de Robert BUSSIÈRE (le 6 mars 2001)
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LES SOURCES

Léon Drouyn, Battaille de Castillon ... (1863). Henri Ribadeau, La Conquête de la Guyenne (1866). Jean Barthe, La victoire de Castillon. H. Bardon, <<La Bataille de Castillon>>. Jean Chartier, Chronique de Charles VII. Chronique de Matthieu d'Escoucy. Thomas Basin, Histoire de France. Alfred H. Burne, The Agincourt War. <<Lettre sur la bataille de Castillon en Périgord, 19 juillet 1453>>, Bibliothèque de l'école des Chartes, 2ème série, vol. III, p.245 [une lettre expédiée d'Angoulême, écrite deux jours après la bataille]. Charles Oman, The Art of War in the Middle Ages.
Bibliographie pour la Guerre de Cent Ans
OVERVIEW of The Hundred Years'War
Visitez le site de l'Association "La Bataille de Castillon"

URL d'origine : http://xenophongroup.com/montjoie/fcastilo.htm

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